Croquelismots

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NOVEMBRE 2015 - Un long dimanche en campagne

Salon du livre de Laudun, dimanche 29 novembre 2015

 

Les écrits s'installent,

Les tables se colorent. 

Les allées s'animent.

Les auteurs régionaux ont sorti leurs habits du dimanche. 

Je suis entourée : 57 auteurs cette année.

Derrière moi, les passionnés d'histoire. Mata-Hari, la guerre de 14, l'aigle et l'Empire. J'accroche sur l'impératrice Eugénie.

Je me rêve quelques minutes en crinoline et taffetas de soie...bleu comme les mots cieux.

A ma gauche, la banderole de la "lango d'Oc", cantoun d'Aigo Morto. Le terroir a sa place de choix.

Mélange tendre des libraires. Romans, terroirs, mémoires, regards, aventures. Tout est là.

 

Je ne suis pas seule. "La Hugues" veille. L'auteur en face de mon stand expose deux ouvrages.

Les titres m'émeuvent : "parfums d'enfance" et "mauvaise limonade".

Le premier évoque un recueil cher à mon coeur. Le recueil de poèmes offert pour ma fête lorsque j'avais 8 ans : "chants et parfums de Grésigne". Je suis plongée dans ma forêt natale. Noble et sincère, elle est le poumon du Tarn, le berceau des maîtres verriers, dernier refuge du maquis. Un beau lieu chanté par Andrée Nonorgues.

La Grésigne et ses paniers de cèpes. La poêle noircie de la Placerie n'est pas loin. Mamie Huguette dite "la Hugues" non plus. A travers cette expression si familière "mauvaise limonade" me voilà replongée des dizaines d'années en arrière. "La Hugues" criant après Michel, son nouveau compagnon, "méchante limonade". Petite variation du vocabulaire. Je ne savais pas que la limonade pouvait être méchante. A ces mots, on comprenait très vite que les événements n'étaient plus sous contrôle et que la situation tournait au vinaigre.

Vinaigre, limonade : mélange aigre-doux. Aigre comme la maigre retraite du travailleur de la terre; doux comme la plume de l'édredon des soirs de grand froid. J'entends encore "la Hugues" sortir sur le pas de la porte, les mains sur les hanches et nous crier "à table les enfants de la Patrie". Cette phrase résonne avec encore plus d'intensité aujourd'hui. La Patrie était à l'heure au rendez-vous. La soupe chaude n'attendait pas l'insouciance des jeux. La voix de "la Hugues" sonnait comme le clairon en campagne. Nos pieds étaient sous la table en moins de deux, à l'arrêt comme les chiens de chasse de la nappe en plastique de la cuisine.

 

Un trait d'humour derrière moi : "vous vendez les pages à l'unité? Je suis intéressé par les pages 12 à 18".

"Vous avez raison, ce sont les meilleures!" Intéressant comme concept. Une consommation à la carte, un joyeux "cadavre exquis" reconstitué avec les pages d'auteurs différents. Ce serait amusant.

Chaque table attend impatiemment le passant curieux attiré par les mots et les tranches de vie.

J'aurai bien tenté un "à table les enfants de la Patrie" au moment de la distribution des plateaux repas. 

Je n'ai pas osé.

Les femmes et les hommes déambulent dans les allées. Seulement des auteurs en quête.

Une quête légère. Au gré des rencontres, des passions bien présentes en ce dimanche d'hiver.

Patrick, le sicilien et ses polars. La vendetta souffle sur le stand. J'adore la préface de Frédéric François. Cet écrivain a un press book digne des VIP. Les liens du sang, il n'y a que celà de vrai! Le clan des "six iliens" est à la manoeuvre.

Et Alain. Ah Alain le santonnier ! çà c'est quelque chose! Un personnage digne de Pagnol qui revendique, rosace de résistant à la boutonnière, son authenticité.

"Santons faits mains, sans moules". Sans moules tout est dans la justesse des mots. On pourrait dire même dans la justice des mots. Pourquoi caler la vie de ces personnages dans un standard au rendement chinois? Non, ici tout est fait avec le coeur : la vache de Salers, le ramasseur d'olives, les moutons en transhumance... Je craque pour un couple de vaches pour mon beau-frère passionné par les bêtes à cornes.

 

Nous aurions pu faire la fameuse partie de cartes. Alain le santonnier, Patrick le sicilien et Elisabeth la poétesse. Assis à la même table, on aurait joué à se fendre le coeur plutôt que de se fendre d'ennui. César, Panisse, Escartefigue... ne manquerait plus que monsieur Brun. On aurait pu prendre le premier badaud venu comme pour célébrer en fanfare le retour de l'enfant prodigue.

Tout est dans l'émotion! La triche à la manille ou le regard des santons. Ces pièces uniques cherchent l'âme soeur et nous, nous cherchons le coeur des acheteurs. Je repars avec une oie en cadeau. Tant pis pour les autres, celle-ci est à moi.

 

Heureusement nous sommes 57. Cela fait 57 occasions de rencontrer quelqu'un de différent. Alors si chacun d'entre nous propose deux livres, cela fait 114 manières de passer le temps. Cela aussi c'est un concept que je pourrai vendre aux éditions Ambre! Après les "17 manières de manger une mangue", j'aurai les 114 façons de tuer le temps. Le temps. Drôle d'invention quand on y pense. Tellement capricieux... traînant en longueur parfois comme s'il avait oublié de mettre ses chaussures et parfois si court qu'on a à peine le souffle de le percevoir. Aujourd'hui c'est sûr, il a totalement oublié de se chausser. Il pavoise dans les allées se gaussant de nos têtes déconfites. Ce n'est pas grave j'ai oublié ma montre.

 

J'aime ce geste bienveillant de l'accueil inattendu.

J'aime cette humilité qui laisse la place à la curiosité.

Alors si l'amoureux transi de nos mots n'était pas au rendez-vous, qu'importe !

La magie de la rencontre a fonctionné. Pour ces pépites de vérité, un seul mot : merci!

 

 

Elisabeth Freund-Cazaubon

 

 

Patrick Barbuscia, auteur "le trinacrien", le "clan des six iliens" et bien d'autres...

Alain Fabre, santonnier.

Monique Brus de la Médiathèque.

Merci à vous tous



29/11/2015
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